L’équipe de permanents du CNEF a tenu un webinaire jeudi 11 février pour faire le point sur “le projet de loi contre le séparatisme” (aussi appelé “projet de loi confortant le respect des principes de la République”). Le but était d’abord de souligner en quoi précisément ce projet de loi pose problème pour les Églises évangéliques, et ensuite d’expliquer la manière dont le CNEF a œuvré ces derniers mois pour faire entendre la voix des évangéliques auprès des autorités politiques de notre pays. Environ 1600 personnes ont assisté au webinaire.
Nancy Lefèvre (juriste et responsable de la commission juridique du CNEF) a repris les articles du projet de loi qui posent le plus de problème à l’état actuel, et mentionné les propositions du CNEF exposées lors des auditions et entretiens avec des parlementaires en charge du projet :
Côté administration :
Il est prévu que les associations cultuelles (loi 1905) doivent faire une déclaration à la préfecture tous les 5 ans, ce qui est déjà une contrainte pas forcément justifiée. L’Eglise doit également attester du cultuel de ses différentes activités. Or, des rencontres d’Églises n’ont pas forcément un motif cultuel, ce qui a été souligné. De manière plus globale, des associations non 1905 ont également parfois des activités cultuelles, cette mesure serait une contrainte forte pour elles.
Côté finances :
Il est prévu un renforcement de la surveillance des finances des Églises locales, le CNEF y discernant une suspicion à l’égard des finances des Églises évangéliques. Le texte prévoit la validation des comptes par un commissaire au compte : or, la plupart des Églises ont un petit budget, les trésoriers sont des bénévoles et non des comptables, et la plupart des Églises ne pourront s’offrir les services d’un commissaire au compte. Est prévue également une obligation de certification comptable pour tout financement venant de l’étranger supérieur à 10 000€ par an, ce qui serait une ingérence de l’Etat en particulier auprès d’un grand nombre de missionnaires étrangers qui reçoivent leur soutien souvent depuis leur pays d’origine, et auprès d’ Églises naissantes qui reçoivent des fonds d’Églises et de particuliers de l’étranger pour construire un local. Le CNEF a souligné que de telles mesures risquaient de mettre à mal nos associations cultuelles et a aussi rappelé l’importance d’une solidarité internationale entre les Églises. Il a suggéré quelques mesures “positives” comme une hausse des déductions fiscales, la garantie d’un emprunt auprès des collectivités territoriales et l’acquisition d’immeubles de rapport à titre onéreux.
Côté sécurité :
La “police des cultes” serait renforcée, par une fermeture administrative pour motif de “provocation à la haine et à la violence”. Sur ce point, le CNEF s’est félicité que le terme “discrimination” qui figurait dans le texte a finalement été ôté, car il a été entendu que les messages portés dans les lieux de culte défendent une certaine vision de la société et que celle-ci doit être respectée, au nom de la liberté de conscience, si tant est que cette vision n’incite ni à la haine ni à la violence.
Les avancées positives de cette loi ne sont pas nombreuses, il en a été cité deux :
Thierry Le Gall, aumônier auprès des parlementaires et membre de la direction du CNEF, a ensuite fait part de ses efforts auprès des autorités politiques ces derniers mois. Il a ainsi rencontré des dizaines de parlementaires et sénateurs dans de longs entretiens individuels, où il a pu communiquer sur la réalité du monde évangélique en France, afin d’une part de dissiper les erreurs et défaire les amalgames, et d’autre part d’expliquer en quoi ce projet pouvait être un réel problème pour nos communautés. Il a noté un réel intérêt de certains de dialoguer et comprendre, quelques-uns ayant d’ailleurs reconnu n’avoir pas réalisé l’impact négatif que cette loi pouvait avoir sur les Églises. Thierry Le Gall a tenu à souligner que le contenu de cette loi, qui vise un encadrement bien plus fort de l’activité religieuse, risquait à terme d’amener un glissement de pensée dangereux dans la société, où la foi ne serait plus considérée comme une pratique, mais comme une activité séditieuse, suspecte, ce qui serait très dommageable.
Le CNF a également mobilisé ses permanents au niveau départemental. Deux pasteurs et délégués du CNEF ont ainsi témoigné de leurs rencontres avec les parlementaires et sénateurs de leur département. Bonne nouvelle, ces rencontres furent l’objet d’un véritable travail de concertation en profondeur avec les élus et les représentants des différentes communautés religieuses.
La direction du CNEF note par ailleurs que les autorités politiques commencent à réaliser que les évangéliques représentent un poids démographique de plus en plus important dans notre pays. Or, le gros effort de communication et de transparence du CNEF les rassurent. Elles commencent à prendre en compte son avis, le CNEF devenant ainsi force de proposition.
La direction du CNEF fait également le constat, inquiétant, d’une forte méconnaissance religieuse des autorités. Clément Diedrichs, directeur du CNEF, a tenu à revenir sur les “petites phrases” erronées à l’encontre des évangéliques dites dernièrement dans les médias par les ministres Marlène Schiappa et Gérard Darmanin. Il semble clair que le but de ces remarques était de contrer une critique qui voit dans ce projet une attaque frontale contre les musulmans, en désignant une autre communauté religieuse, mal connue et souvent mal considérée par les médias, comme ayant besoin d’être mieux encadrée par l’Etat. Dans des entretiens, les ministres ont évoqué quelques cas ultra-minoritaires d’Églises évangéliques qui posent en effet question pour justifier ces propos, tout en reconnaissant avoir fait preuve de “maladresse”, notant au passage que cela ne concernait pas les Églises affiliées au CNEF. Ces explications dites en cabinet ministériel ne seront pas forcément reprises dans l’espace public. Si cela pose question, le CNEF tient également à éviter toute surenchère médiatique, ce qui ne serait pas un bon témoignage.