Il y a presque trois décennies, dans un entretien avec les dirigeants de France Mission, je leur ai expliqué que j’aimerais travailler en réseau et en équipe. Sans doute pris pour un idéaliste qui ne connaît pas encore la réalité du terrain français ma vision a été reçu avec un certain amusement voire scepticisme. Il fallait donc d’abord mériter des galons… Il est vrai que j’étais encore jeune et mon français pas toujours très compréhensible.
En fait, cette vision de l’Église de Jésus unie et animée par l’Esprit de Dieu même où les communautés locales vivent et travaillent en interdépendance avec des équipes missionnaires à leur service me semble venir des Écritures. Dans déjà dans les Évangiles, Jésus envoie ses disciples deux par deux. Puis, dans le livre des Actes, on a des équipes missionnaires qui tournent entre les communautés locales tout en fondant plein d’autres communautés. Les lettres des apôtres nous font découvrir plusieurs collaborateurs dans l’évangile. Ces lettres ont été préservées et partagées entre les communautés même jusqu’à nos jours !
D’ailleurs, la compréhension des « diakonos » comme des « serviteurs missionnaires » qui conservent le mystère de la foi, c’est-à-dire l’Évangile exprimé par la piété (NBS, 1 Timothée 3.8) se défend très bien dans le dynamique néo-testamentaire de l’implantation des églises par les équipes apostoliques. Les apôtres se voyaient eux-mêmes comme des « diakonos » exerçant le service (= ministère) de l’Évangile.1 Ces « diakonos » devaient être mis à l’épreuve dans le service, sans doute à cause de leur jeunesse. Mais grâce à leur jeunesse, ils étaient aussi les personnes idéales pour les déplacements entre les communautés et pour accompagner les apôtres dans leur ministère (cf. 1 Jean 2.14). Dommage que ce dynamisme diaconal ait été perdu en faisant de ce service missionnaire une position ecclésiale. Je vous laisse la réflexion !
En tout cas, la réalité du terrain m’a toujours poussé à chercher des moyens pour encourager les communautés locales à placer leur confiance en Dieu et à vivre l’Évangile dans la piété quotidienne et la communion fraternelle. Car c’est bien dans la manifestation concrète de l’amour de Christ que les vies soient transformées, aussi bien de ceux qui aiment que ceux qui sont aimés. Concrètement, cela constituait à se rendre sur place des autres avec toute l’église ! Car il était hors de question de délaisser la communauté locale. Mais déplacer toute notre église à Tours n’était pas difficile. Deux voitures suffisaient ! Ainsi, nous avons fait différents cultes ensemble avec Chinon, Vendôme et Blois lors des premiers étés de l’implantation à Tours. Notre premier baptême a été fait à Chinon. Aussi, avec Fabien Llinarès à Montluçon, on fait des weekends régionaux pour les jeunes à Bourges. Sans oublier les weekends d’églises en Touraine et les formations de ThéoCentre, et même le premier CFRi à Loches.
Bien sûr, il y a eu des besoins qui nous ont poussé d’agir, mais il y avait surtout une vision qui disait : « Ton église est mon église et mon église est ton église, car c’est l’Église de Jésus-Christ ! » Avec la conviction que nous avons déjà tout sur place ce dont nous avons besoin pour être église, car nous avons Dieu avec nous et les uns les autres, je me suis engagé à accompagner d’autres églises que ce soit ponctuel ou sur une durée, comme à Saintes (depuis 2014), Chinon (2016-2020) et Loches (depuis 2023). Avec la formation des bénévoles qui va être déployée dans les régions, les choses vont encore s’évoluer. Entre temps, de temps à autre, certains membres de l’église à Tours donne aussi leur assistance aux églises de Langeais et de Loches par leur don musical et d’enseignement. De même, des étudiants de Vaux et des stagiaires (ou encore des jeunes de l’étranger) sont mis au service, à la fois pour la formation d’eux-mêmes et de l’assemblée !
Dans mon ministère, je ne cherche pas à rendre les églises locales identiques à un modèle de fonctionnement ou de programme. Car chaque église est unique et spéciale. On n’a ni le même nombre de personnes, ni les mêmes compétences, ni le même contexte, ni le même budget ou local, etc. Cependant, nous avons tous la même opportunité de nous aimer les uns les autres et de mettre ce qu’nous avons/sommes en faveurs des autres. Donc je cherche à encourager l’expression unique et locale de l’église avec ceux qui sont là (et pas avec ceux qu’on espère d’être là, même s’ils sont plus que bienvenus) ! Ensemble, nous pouvons prier notre Dieu et lire sa Parole. Nous pouvons nous rappeler cette belle œuvre de Jésus à la croix à travers le repas du Seigneur et même manger un bon repas ensemble. Et maintenant, on a aussi l’assistance de YouTube si on n’a pas de musicien ! Mon apport de pasteur est justement cette conviction que nous sommes l’église de Jésus riche de toutes les bénédictions célestes et quand c’est nécessaire, aussi mon autorité, mes connaissances et mes expériences.
Aujourd’hui, nos églises à Tours, à Saintes et à Loches ne ressemblent plus de tout à ce qu’elles étaient au tout début ou encore il y a cinq ans. On a toujours besoin d’un plein temps et plein d’autres choses. Oui, parfois, on est fatigué et aimerait que la relève soit déjà là.
À Saintes, il y a un bon nombre de retraités, certains avec de vrais soucis de santé. Le local est très limite, ainsi que le budget… Toutefois, nous cherchons une nouvelle accommodation. Entre temps, on partage nos locaux avec une église brésilienne. En effet, quand c’est trop petit, mieux vaut multiplier les cultes ! Quasi chaque fois que je viens, je vois de nouvelles personnes. L’église vit et accueille ! Ainsi pour la fête de Noël, il y avait une dizaine de jeunes autour de la même table passant un bon temps ensemble. Ah, oui, j’oublie de dire qu’à Saintes, on mange bien et après des petites boîtes remplies des restes sont distribuées à ceux et celles qui sont seuls ou moins riches ! Dans mon absence, le conseil d’église riche de 5 membres assure le quotidien de la communauté.
À Loches, on a encore de la place pour accueillir, car nous sommes une bonne douzaine. Et enfin la deuxième unité de la clim marche ! En plus, on relève le défi d’apprendre 52 versets de la Bible en un an. On reste volontiers après la célébration pour partager quelque chose à boire et à grignoter. Une fois par mois, les jeunes se réunissent. Ils ont déjà fait la parcours Alpha jeunesse et maintenant, c’est « l’Enquête Jésus ». Une famille missionnaire va bientôt se joindre à nous pour prêter main fort et découvrir la vie à la française. Dieu n’a pas encore fini avec nous !
À Tours, il est parfois difficile d’apprendre tous les nouveaux prénoms. On accueille régulièrement des résidents temporaires. Cela fait partie de la dynamique de la ville. Toutefois, cela n’empêche pas une bonne ambiance et « le culte après culte » avec une soupe faite maison ou carrément un repas partagé. Rester une heure ou deux, c’est normal. C’est sûr, les gens ont besoin de la communion fraternelle ! On a lancé deux groupes de maison qui semblent bien marcher. On a aussi une étude biblique qui est à la fois en présentiel et sur Zoom. Les enfants de la primaire ont maintenant un programme à l’unité où ils apprennent d’une manière ludique un verset biblique. L’absentéisme ne pose donc plus de problème, au soulagement des monitrices ! Le groupe de jeunes se rencontre bimensuellement avec les jeunes de l’Eglise Baptiste et de Foursquare. Il y a donc plein de choses encourageantes. Le défi d’intégrer les nouvelles personnes et de renouveler les responsables reste… Notamment quand des personnes engagées dans le leadership déménagent pour s’investir dans une autre église, comme Jack et Sarah ! C’est ça aussi la vie d’église. Et Dieu est toujours bon. Heureusement, nous sommes l’Église ensemble que ce soit ici ou là !
1 Cf. Actes 1.17, 25 ; 6.4 ; 20.24 ; 21.19 ; Romains 11.13 ; 2 Corinthiens 4.1 ; 5.18 ; 6.3; Colossiens 4.17 [cf. Phm.2] ; 2 Timothée 4.5, 11)
Marc Van Eijden