Ces derniers mois, nous avons vu revenir au premier plan la question des religions dans l’espace publique. Des évolutions majeures sont en train d’être votées dans la loi confortant le respect des principes de la république. Beaucoup (et je suis de leur avis) estiment que cette loi remet en cause les équilibres de la loi de 1905. Elle est en tout cas sur bien des aspects un pas dans une mauvaise direction. La commission juridique du CNEF a fait un travail remarquable d’analyse du texte assortie de propositions pertinentes. On pourrait émettre des réserves sur le volet financement, mais ces propositions d’amendements et d’ajouts permettraient effectivement d’assurer un meilleur équilibre du régime des cultes en France.
En marge des débats, Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur chargé des cultes, a déclaré au micro de France Inter : « Nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu. »
On peut bien sûr faire valoir que la loi de la République et la Loi de Dieu ne sont pas sur le même plan et qu’il n’y a pas lieu de les opposer. Toutefois il convient d’aller plus loin. Les lois de la République ne sont pas des absolus (pas plus que la République elle-même d’ailleurs). Et pas seulement pour les croyants de telle ou telle religion. Presque tous les mouvements politiques, syndicalistes etc. ont des principes qu’ils mettent au-dessus des lois de la République et qui fondent leur action. C’est au nom de ces principes et valeurs qu’ils entendent modifier éventuellement les lois de la République. Il en est naturellement de même pour les croyants. En réalité, lorsqu’il n’y a plus rien au-dessus des lois de la République, des « gens biens » (ni rouges, ni bruns) finissent par conduire les trains qui mènent vers Auschwitz et à gagner leur vie comme gardien de goulags. Dans de tels moments (il y en a eu et il y en aura hélas probablement encore) ceux pour qui la loi de Dieu reste au-dessus de la loi des hommes sont parfois le dernier recours contre la « barbarie légitimiste ».
Les chrétiens, depuis les débuts de l’Eglise, ont appris à se soumettre à un ordre social qu’ils n’approuvent pas forcément. Ils « rendent à César (ou à la République) ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Les lois de la République Française, parce qu’elles ne sont pas étrangères à l’héritage du christianisme en Europe ne leur pose globalement pas de trop de problèmes (pour combien de temps… ?). Toutefois ils n’excluent pas qu’il puisse y avoir des circonstances dans lesquelles il « vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Voilà pourquoi, pour leur part, les chrétiens refuseront « d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu ».
Patrice Alcindor, Président de Perspectives
(c) photo : By besopha – de la république, CC BY 2.0, WikiCommons